Haïti : La mission impossible du football international - BBC News Afrique (2024)

Lorsque Graham Taylor était sélectionneur de l'équipe d'Angleterre, son rôle a été qualifié de « travail impossible » par une équipe de documentaristes. Sébastien Migne sourit ironiquement lorsqu'on lui demande s'il occupe le poste qui mérite vraiment ce titre.

Migne est le nouveau sélectionneur d'Haïti, avec pour mission de conduire le pays vers sa première Coupe du monde masculine depuis un demi-siècle.

Ce défi est d'autant plus difficile à relever que le chaos politique et social qui règne sur l'île des Caraïbes ne permet pas à Migne d'y mettre les pieds dans un avenir prévisible.

Des gangs contrôlent désormais la majeure partie de la capitale, Port-au-Prince, et ont empêché le premier ministre Ariel Henry de rentrer au pays après un voyage à l'étranger, ce qui a conduit à sa démission. BBC News rapporte que certaines parties du pays sont devenues des zones de non-droit.

Haïti est ravagé par la violence des gangs depuis des années, mais la violence perpétrée par les groupes armés s'est intensifiée à la fin du mois de février.

Bien que les gangs aient déclaré que leur principal objectif était d'évincer Ariel Henry, le Premier ministre d'Haïti, la violence se poursuit. Ils ont attaqué la police, pillé des universités et des bibliothèques, incendié des pharmacies et forcé la fermeture du plus grand hôpital de Port-au-Prince.

Alors pourquoi Migne a-t-il décidé de diriger l'équipe nationale de football ?

« Honnêtement, j'ai beaucoup d'enthousiasme », explique le Français de 51 ans à BBC Sport. « Ce n'est pas le meilleur contrat de ma vie, mais c'est important en ce moment.

« Le projet est intéressant, Haïti a un bon passé dans le football. L'idée est d'écrire une nouvelle histoire avec les joueurs, et nous avons une opportunité fantastique parce que les États-Unis, le Canada et le Mexique se sont déjà qualifiés [en tant qu'hôtes conjoints].

« Ils savent exactement ce que nous voulons réaliser, à savoir se qualifier pour la Coupe du monde.

Les trois nations nord-américaines coorganiseront la Coupe du monde 2026, qui sera la première à réunir 48 équipes. Outre les hôtes, trois autres équipes de la région Concacaf se qualifieront, et deux autres participeront aux barrages inter-confédérations pour obtenir des places supplémentaires.

Cela ouvre à Haïti la porte de sa première Coupe du monde masculine depuis 1974, lorsqu'elle avait atteint la phase finale en Allemagne de l'Ouest. Les Haïtiens ont perdu leurs trois matches de groupe, encaissant 14 buts contre l'Argentine, l'Italie et la Pologne.

Des amis m'ont dit : « Tu es complètement fou ».

Leur longue route vers la phase finale commence par la première des deux phases de groupe des éliminatoires de la Concacaf, avec un match d'ouverture contre Sainte-Lucie le 6 juin.

Ce devait être un match à domicile pour Haïti, mais il n'en est pas question pour l'instant. Le match contre Sainte-Lucie se jouera à la Barbade, et Migne ne sait pas ce qui se passera ensuite, ni où ils joueront, ni qui jouera pour eux.

« C'est difficile, parce qu'il m'est impossible d'aller en Haïti pour découvrir de nouveaux talents et de faire confiance aux entraîneurs locaux pour me donner des informations complètes », explique-t-il.

« Par exemple, j'ai essayé de convaincre un joueur de venir avec nous pour les prochains matches. Nous avions besoin de papiers administratifs, mais toutes les ambassades sont fermées dans le pays ».

Migne est habitué au chaos, avec des fonctions d'entraîneur en Syrie sur son CV. Vétéran de l'encadrement en Afrique, il a déjà dirigé des équipes nationales au Congo, au Kenya et en Guinée équatoriale.

Mais il a déjà goûté à la gloire de la Coupe du monde, en tant qu'assistant manager du Cameroun lors de Qatar 2022.

Bien que le Cameroun n'ait pas réussi à sortir de la phase de groupes, il a surpris le Brésil 1-0 lors de son dernier match - un résultat qui l'a incité à revenir au plus grand spectacle de la planète.

Bien sûr, certains amis m'ont dit : "Tu es complètement fou ", raconte-t-il. " C'est peut-être vrai, mais je crois en ce projet. Je crois que nous pouvons créer une grande surprise. Nous avons de la qualité."

Le fan de Klopp sur la sellette en Haïti

Depuis sa nomination le 10 mars, Migne s'est attelé à la tâche pour tirer le meilleur parti d'un travail difficile. Pour son premier match, Haïti a fait match nul 1-1 contre la Guyane française. Depuis, il a demandé à ses entraîneurs et à ses recruteurs de parcourir le monde à la recherche de talents.

L'un des principaux rôles du sélectionneur d'une petite équipe nationale est de convaincre les joueurs éligibles en raison de leur famille et de leur héritage de représenter leur pays. Migne a approché l'attaquant des Wolves Jeanricner Bellegarde - né en France mais d'origine haïtienne - et l'ailier de Hull City Jaden Philogene en vue d'une éventuelle convocation.

« Pas à pas, nous essayons d'établir un contact avec eux pour leur présenter le projet et les convaincre », explique Migne. « C'est un long processus.

En tant qu'amoureux du football anglais, Migne s'efforce tout particulièrement de convaincre les joueurs anglais. Il s'est entretenu avec BBC Sport en portant un pull de Liverpool et a fait part de son admiration pour Jurgen Klopp.

« Après avoir emmené Haïti à la Coupe du monde, je veux diriger en Premier League ou en Championship, j'en serais ravi », déclare-t-il.

Mais avant cela, Migne doit essayer de guider Haïti, un pays déchiré par la guerre, jusqu'à la Coupe du monde.

Alors, est-ce que son travail est vraiment impossible ?

« Ce n'est pas [impossible]. C'est intéressant.